jeudi 9 avril 2020

L'histoire de l'État administratif et des grandes fonctions régaliennes...




Chapitre 1 - L'administration de l'État monarchique.


§ 1 – Les ministres du roi.

Á l'origine le roi gouvernait exclusivement par conseil. Mais, à partir du 16ème siècle, pour administrer l'Etat moderne, il doit s'entourer d'agents qui lui permettent d'assurer une action gouvernementale continue. C’est en somme la naissance historique du principe de « continuité du service public ». On peut compter six ministres dans l’entourage royal : le Chancelier, les 4 secrétaires d’Etat et le Contrôleur général des finances. 

— Le chancelier

Le chancelier est le seul a être hérité de l'époque féodale
Sa charge est un office, ni vénal ni héréditaire, mais qui lui est confié à vie
Ses attributions sont multiples :

1 - accés au Conseil, président du Conseil des parties 
(jugement procès entre particuliers). 
2 - chef de la justice royale
(il expédie les lettres de provision aux officiers de judicature.)
3 - prépare les ordonnances concernant le droit privé et le droit criminel
(ex : Dagesseau).
4 - il a la garde du sceau royal,
(c'est lui qui le fait apposer sur les lettres patentes contenant ordonnances.)

Le chancelier peut refuser d'apposer le sceau royal sur les lettres patentes et faire des remontrances au roi (devoir de conseil, conflit analogue à ceux opposant roi et cours souveraines).
Mais, le roi a le dernier mot : il peut ordonner au chancelier d'apposer le sceau. Dans ce cas, une lettre de « non-préjudice » dégage le Chancelier de toute responsabilité : il appose le sceau « de l'express commandement du roi » ; le roi peut apposer le sceau lui-même ou confisquer les sceaux au chancelier.

— Les quatre secrétaires d'Etat

Á l’origine, Philippe le Bel les choisit parmi le personnel de la chancellerie pour le suivre dans tous ses déplacements. Sous Henri II, les « secrétaires des commandements et finances » deviennent des ministres d'Etat
Le roi les désigne par lettres de commission et peut en théorie les renvoyer librement (même s’ils tendent à devenir héréditaires). Leurs attributions sont :

1 - dresser les actes privés concernant la famille royale.
2 – attributions administratives majeures
ils envoient des dépêches à leur subordonnés dans tout le pays.

Evolution de la répartition des tâches administratives des secrétaires :

d'abord géographique
Chaque secrétaire traite les questions concernant le quart des provinces.
puis spécialisation à partir du XVIème siècle :
Un sécrétaire d'Etat à la Maison du Roi
Un sécrétaire d'Etat aux affaires étrangères
Un sécrétaire d'Etat à la Guerre
Un secrétaire d'Etat à la Marine

Mais, chaque d'eux continue à s'occuper, en outre, de l'administration d'un quart des provinces du royaume.

— Le surintendant (Cont.Gal.Fin.)

C'est le chef de l'administration financière du roi

Jusqu'au 16ème siècle, il y avait une pluralité des services financiers

Les baillis et sénéchaux centralisaient les revenus perçus par les prévots dans les villes. Ils envoyaient leurs comptes à la Curia, puis à la Chambre des Comptes. Le surplus allait rejoindre le Trésor qui d’abord fut confié à l'ordre des Templiers par Philippe-Auguste, remplacé à partir de 1307, par les quatre trésoriers de France. 
Á partir du 15ème siècle, deux trésoriers vont constituer la Cour du Trésor, souveraine. Avec la généralisation des impôts, les Etats Généraux de 1355, voulurent contrôler la levée de subsides qu'ils accordent au roi et désignèrent des agents, les généraux des finances. Mais, le roi contrôla lui-même rapidement ces agents et fixa leur nombre à quatre, deux s'occupant de l'administration fiscale et deux s'occupant du contentieux fiscal
Ainsi, les quatre trésoriers de France et les quatres généraux des finances constituent un ministère collectif (divisé en deux caisses,une pour les finances ordinaires et une pour les finances extraordinaires).

Puis, sous François Ier (1515 – 1547), c'est l'unification de la fiscalité

Le roi souverain crée une caisse unique, appelée L'Epargne. Son successeur, Henri II, en 1551, fait « fusionner » les fonctions de trésoriers et de généraux, qui constituent alors des « Bureaux de Finances » dans les circonscriptions dites désormais : « Généralités ».
C'est ici la reconstitution de l'administration centrale des finances, en la confiant à des comminssaires appelés « intendants des finances », assistés d'un contrôleur général

Dès 1562, l'un des intendants prend le pas sur les autres et prend le titre de : « surintendant des finances », véritable chef de l'administration des finances, il en dirige tous les services et ordonne toutes les dépenses de l'Etat

Mais cette charge est trop importante et après la disgrâce du surintendant Fouquet en 1661, Louis XIV supprime cette charge et la remplace, dès 1665, par « un contrôleur général des finances », dont le premier est Colbert. C'est ce contrôleur général des finances qui, assisté des intendants des finances, est le véritable ministre des finances, ordonnateur des dépenses royales. C'est l'âme du dirigisme qu'affectionne l'Ancien Régime.

§ 2 – Le Conseil du roi.

Les origines du conseil du roi remontent aux premiers rois capétiens. Le Conseil s'est constitué progressivement, jusqu'au règne de Philippe V le Long, deuxième fils de Philippe IV le Bel, dont le règne marque la première rupture de l’hérédité en ligne directe et la fin du miracle capétien. 
Les premiers capétiens réunissaient leur « Curia in consilio » pour prendre son avis sur les questions de gouvernement ou d'administration, de même, qu’ils la convoquaient « Curia in parlamento » pour lui soumettre les litiges à juger
Puis, le Parlement (cour de justice souveraine) et la Chambre des Comptes ont émergé de cette Curia. Ce qu'il en reste constitue alors un organe purement politique, dans lequel Philippe le Bel et ses successeurs appellent des légistes, professionnels du droit pour les aider à légiférer. 
Peu à peu, les circonstances poussent les rois à créer un autre conseil, plus étroit, composé exclusivement des « Grands » du royaume, qu'ils consultent pour les affaires importantes. 
Lorsque l'autorité du roi prend peu à peu le pas sur la féodalité, il fusionne en 1320 les deux conseils (aristocratique et professionnel) en un seul conseil, qui prend le nom de « Grand Conseil », dans lequel les « professionnels » du droit  l'emportenont en influence sur les « aristocrates », le transformant en conseil de techniciens au service de la monarchie.


La composition du Conseil du Roi :




— Les attributions du Conseil du roi :

La compétence du conseil est indéfinie : il a vocation à connaitre de toutes les affaires étrangères, administratives, financières, religieuses, judiciaires. La spécialisation devint rapidement nécessaire et c'est Louis XIV qui la mit en forme, sans toutefois renoncer au principe d’unité du Conseil.

Avant Louis XIV, une place particulière était faite au « Grand Conseil » qui s'occupait des affaires judiciaires. Bien que le Parlement rendit la justice au nom du Roi, celui-ci se réservait le droit de juger des procès entre particuliers en les évoquant à son Conseil. Les plaideurs de haut rang, voulaient d'ailleurs être jugés par le roi lui-même, celui-ci n'assistant plus que fort rarement aux audiences du Parlement.

Du coup, le conseil était encombré par les affaires privées et une section spécialisée fut créée pour les connaitre, le « Conseil de Justice ». Louis XIV la réorganise sous le nom de « Grand Conseil » et au lieu d'en faire une Cour de Cassation que beaucoup de professionnels du droit souhaitaient, il en fait une juridiction extraordinaire à compétence très limitée.

Avec Louis XIV, la spécialisation est parachevée. Le Conseil est désormais divisé en formations appelées « conseils » selon l'usage et sont toutes assistées de « bureaux » composés de « conseillers » et de « maîtres des requêtes » qui préparent le travail. 

On distingue alors deux grandes catégories de conseils.
  • les conseils dits « « de gouvernement »
  • les conseils dits « privés »



Mais, le principe d'unité du Conseil est préservé. Cette spécialisation n'est qu'une pratique de bonne administration qui ne lie pas le roi. Le Conseil ne donne que des avis, sous forme « d'arrêts du conseil », commençant tous par la formule, « le roi en son conseil... » et se termine par « Fait au Conseil d'Etat du roi ». Rien ne laisse apparaître les subdivisions internes du Conseil qui ne sont que des subdivisions administratives, gommées lors de la prise des décisions politiques. 

§ 3 – L’administration régionale et locale.

On désigne sous le nom de « pays de France » (sens pluriel), les différentes circonscriptions « naturelles » qu'englobe le Royaume et qui furent constituées aux temps féodaux par l'autorité des seigneurs. Le pouvoir royal reconstitué a conservé ces particularismes locaux et les bailliages et sénéchaussées ont le plus souvent adopté les mêmes limites. Mais, à la fin du Moyen-Age, tous ces cadres naturels ont paru insuffisants à l'administration monarchique, qui a « greffé » sur eux des circonscriptions nouvelles (ressorts des parlements et des généralités, par exemple). 

On distingue principalement deux phases dans l'administration régionale :
1 - décentralisation large jusqu'à la fin du 16ème siècle : des assemblées, les Etats particuliers collaborent avec les agents royaux, les gouverneurs.

2 - Au 17ème et 18ème siècles se met en place un système de centralisation, dont les intendants, placés à la tête des généralités, sont les meilleurs agents. 

On trouve trois sortes de « pays » : ceux dits « pays d'Etats » qui, se trouvant à la périphérie du royaume, ont seuls conservé leurs Etats particuliers ; ceux dits « pays d'élections » qui ont perdu leurs Etats et où l'intendant dirige toute l'administration, assisté du bureau des finances de la généralité ; ceux dits « pays d'imposition » qui ont été conquis depuis 1648 et qui connaissent un système simplifié : un intendant tient en main toute l'administration, avec l'assistance de subordonnés directs.

—les agents regionaux du roi

Les gouverneurs : apparus durant la Guerre de Cent Ans, le 16ème siècle est celui de leur apogée. Ils détiennent une telle autorité qu'ils représentent un danger pour le pouvoir royal.

1 – Le pouvoir militaire des gouverneurs : ils détiennent le commandement des armées stationnées dans leur « gouvernement ». Ils ont en charge de maintenir l'ordre, en tant que lieutenants généraux du roi, d'où le fait qu'ils bénéficient d’une délegation de pouvoirs large et imprécise. Chargés de transmettre et de faire appliquer les ordres du monarques, ils y ajoutent les leurs et s'arrogent le droit de rendre la justice et lever des impôts à leur profit. La reprise en main du royaume par Henri IV (1589/94 – 1610) interrompt ces pratiques.

2 – Décadence des gouverneurs : les mesures prises contres les abus des gouverneurs se renforcent car ils saisissent toutes les occasions pour affirmer leur pouvoir personnel (guerres de religion, mouvement de la Fronde, minorité du roi,v etc...) Après avoir cherché à les réduire, le roi adopte la solution inverse : il les multiplie, ce qui les place à la tête de circonscriptions de plus en plus restreintes, ce qui tend à diminuer leur pouvoir. Enfin, le roi finit par retenir les gouverneurs à la Cour en leur interdisant de se rendre dans leur gouvernement sans sa permission. 

Les intendants finissent par leur succéder.

Les intendants : dans les deux derniers siècles de l'Ancien Régime, ce sont eux les véritables chefs de l'administration régionale. Ils deviennent les meilleurs agents de l'absolutisme monarchique et ils ont beaucoup contribué à l'unification du royaume.

On croit à tort que le Cardinal de Richelieu est le créateur des intendants. Il a fortement encouragé l'institution, mais celle-ci lui est antérieure : l'origine des intendants doit être recherchée dans la nécessité de contrôler les agents locaux, qui devient urgente au 16ème siècle, au moment où l'administration monarchique se développe et où la vénalité des offices interdit de contrôler le recrutement. 

Se méfiant des gouverneurs, le roi envoie ses maîtres des requêtes de l'Hôtel. Puis, à la fin du 16ème siècle, ce sont les « intendants de justice à la suite des armées » qui sont chargés de contrôler les gouverneurs et d’œuvrer à la pacification du royaume. C'est de la « fusion » de ces deux institutions que sont issus, au début du 17ème siècle, les premiers intendants établis à demeure dans les généralités

Des plaintes s'élèvent venant des cours souveraines et des Etats particuliers, contre cette manifestation permanente de la puissance royale

Richelieu décide de les ignorer et généralise l'institution.

Le rôle des intendants est d’administrer une généralité.

Chaque intendant administre une généralité (cette circonscription qui correspond à environ trois départements actuels). La généralité préexiste aux intendants en tant que circonscription financière (c'était celle des trésoriers généraux, voir l'administration centrale.) Elle devient donc, ici, une circonscription de l'administration générale (ce qui montre l'importance politique des questions fiscales). L'intendant est assisté par les commis des bureaux de sa généralité et parfois par un intendant adjoint. Les attributions des intendants sont vastes, comme le montre leur titulature : « intendants de justice, police et finances, commissaires départis dans les généralités pour l'exécution des ordres du roi ».

La mission générale des intendants est de faire excécuter les ordres du roi.

C'est plus facile dans les pays d'élection et d'imposition, que dans les pays d'Etats. Ils n'ont pas, en théorie, de pouvoir de décision, aussi, en cas de problème, ils provoquent un arrêt du Conseil pour couvrir leur action.

Ils ont aussi des rôles précis dans les domaines régaliens.

1 - JUSTICE : les intendants sont juges de droit commun en matière administrative, avec possibilité d'appel au Conseil du roi. De plus, ils contrôlent toutes les juridictions de leur généralité, y compris les Cours souveraines.

2 - POLICE : ils veillent au nom du roi, sur les intérêts collectifs de leurs administrés, en faisant régner l'ordre dans tous les domaines. Ils contrôlent toute l'administration de leur généralité : 
- tutelle administrative sur les villes et les communautés rurales
- contrôle et charge des travaux publics 
(en partage avec les Etats particuliers, dans pays d'Etats)
- police économique 
(dirigisme économique caractéristique de l’Ancien Régime)
- perfectionnement des modes de production.
(Le roi s'adresse aux intendants pour connaitre l'état général du royaume)

3 - FINANCES : les attributions financières des intendants sont considérables, puisqu'elles englobent tous les revenus domaniaux et les impôts, mais uniquement en ce qui concerne l'administration et le contentieux (pas les recettes, pas les paiements). En matière fiscale, les impôts indirects, affermés, sont reçus sous leur surveillance. La taille est levée sous leur autorité (sauf dans pays d'Etats) et ils ont en charge les impôts directs récents, tels que la capitation et les vingtièmes.

les agents locaux

Les baillis et sénéchaux sont des agents de l'administration locale qui ont été établis au-dessus des prévôts, pour renforcer les cadres d'une administration devenue plus complexe. Bien que d'origines différentes, ils sont recrutés de façon identique et remplissent les mêmes fonctions. Nous les avons déjà étudiés dans la deuxième partie du cours (cf. Chapitre I, Section 2, § 3).


Chapitre 2 - L'apogée des fonctions régaliennes


§ 1 – La Justice.

— Historique de l’essor de la justice royale

Avec, la restructuration de l’Etat monarchique du 13ème au 16ème siècles, la seconde renaissance du droit romain, la rédaction officielle des coutumes, et la conceptualisation de la souveraineté, s’organisent en France, sous la dynastie capétienne, des institutions qui servent de cadre à la nation (Etats Généraux et Parlements) et permettent l'apparition d'une monarchie tempérée, fondée sur un équilibre politique, juridique et social. Le roi dispose de la juridiction en dernier ressort : c'est la prérogative fondamentale du roi, empereur en son royaume. La « jurisdictio » (le fait de littéralement « dire le droit ») résume à elle seule toute l'autorité souveraine. Le roi est « source de toute justice ». 

Pour imposer sa justice souveraine, le roi va alourdir sa mainmise sur les juridictions non-royales

1 - quant aux juridictions seigneuriales, il les vide de leur force, soit en réduisant leur compétence par le moyen de la prévention (le fait de juger avant elles, si le litige vient à sa connaissance avant), soit en se réservant la compétence exclusive d'une série de causes dites « cas royaux », soit, grâce aux progrès de la procédure, par la voie de l'appel, rendant ces autres justices laïques subalternes (ou premier ressort) de la justice royale.

2 - quant aux juridictions ecclésiastiques, leur mise au pas est plus tardive. Par l’ordonnance de Villers-Cotterets en date d’août 1539, la monarchie achève sa reconstruction, en imposant la langue française pour les actes juridiques et les arrêts judiciaires, et en réduisant le champ des juridictions ecclésiastiques à leur domaine de compétence exclusif : les questions spirituelles relatives aux sacrements et le jugement des clercs. C’est la fin de la compétence concurrente des cours d’Eglise, qui montre bien le renversement du rapport de force entre le Roi et le Pape, la course à l’unification qui marque aussi bien le monde judiciaire que celui administratif (qui ne sont pas séparés sous l’Ancien Régime). D’ailleurs, la même ordonnance organise la récupération des registres religieux (baptêmes + sépultures), une mainmise de la royauté sur le pouvoir d’administration de l’Eglise, sous prétexte d’une meilleure administration de la Justice. 

Il faut établir la distinction entre deux types de justice, chacune permettant le contrôle des juridictions concurrentes :

1 - la justice déléguée du roi composée par les cours royales ou parlements, qui sont titulaires d’une délégation de certains pouvoirs de justice royale et qui jugent des causes générales et des appels). Voir plus loin, les Parlements.

2 - la justice retenue du roi à partir du 14ème siècle. Cette justice retenue, propre au roi, est celle par laquelle, le roi peut juger directement toute cause en son conseil ou réformer les sentences des justices déléguées si l'équité ou la politique l'exigent (appréciation très souple)


— Les éléments de la justice retenue du roi


LA JUSTICE DU CONSEIL DU ROI

Elle s’exerce de deux façons 

sur les requêtes (placets) de ses sujets. 1 – par l’évocation, le Roi peut se 
Le Roi peut délivrer des lettres de cachet saisir de n’importe quelle affaire.
(ordres d’arrestation, de détention), des 2 – par la cassation, dès le 14ième s.
lettres de grâce, ou de justice (avec l’ en cas d’erreur de fait, et à partir 
obligation de prendre en compte l’équité). du 17ième s. en cas d’erreur de droit

Ce sont eux qui tiennent les « Grands Jours » dans les territoires rattachés à la Couronne.


— Les éléments de la justice déléguée du roi


Au 13ème siècle, le Parlement se distingue de la Cour du Roi (Curia Regis), grâce au développement de la justice royale (généralisation de la distinction : justice déléguée / justice retenue). Saint-Louis établit « la Cour en Parlement ». Le Parlement acquiert son autonomie sous Philippe III le Hardi, à la fin du 13ème siècle. Progressivement, les parlements de province apparaissent : celui de Toulouse au 15ème siècle, notamment. 

Il convient de dénombrer les parlements ( à partir du 16ème siècle) : en tout premier lieu, on distingue le Parlement de Paris des Parlements Provinciaux

Le ressort du Parlement de Paris, jusqu’à la fin du 18ème siècle est démesuré puisqu’il couvre 1/3 du territoire de la France. C’est le plus grand parlement, celui qui eu le rôle politique le plus marqué. 
Parmi les parlements provinciaux, il faut distinguer les cours souveraines majeures (Toulouse, Rennes, Rouen, Metz et Bordeaux), de celles moyennes (Besançon, Pau, Dijon, Grenoble, Aix-en-Provence) et mineures (Douai, Nancy, Colmar, Perpignan, ces deux dernières étant en réalité des conseils souverains). Les Parlements, notamment celui de Paris, à partir du 16ème siècle se composent de plusieurs chambres différentes : 

1 - La Grand’Chambre (qui réunit les magistrats les plus anciens, donc le plus souvent acquis au gouvernement et au roi)
2 - Les Chambres des Requêtes ( qui jugent en premier ressort ; il y en a 5 pour le Parlement de Paris)
3 - Les Chambres des Enquêtes (qui jugent en dernier ressort ; il y en a 2 pour le Parlement de Paris)

Les parlementaires proviennent de différents groupes sociaux :

1 - une élite aristocratique : les vassaux du roi, dont les douze pairs de France (ils cesseront d'être convoqués au XVe s.)
2 - une élite professionnelle : des conseillers, clercs et laïques, des légistes.
3 - les « gens du roi », « le parquet » : le procureur qui dépose des conclusions et l'avocat du roi, chargé de plaider en son nom.

Les attributions juridictionnelles des parlements consistent simplement à rendre la justice au nom du roi. Leur compétence est générale


Chapitre 3 - La législation de l’Etat monarchique


§ 1 – Les ordonnances royales de codification aux 17ème et 18ème siècles.

Les premières ordonnances royales à manifester un élargissement sensible du domaine d’application du pouvoir normatif royal, sont celles de Louis XIV. C’est à partir de ce monarque qu’on peut évoquer l’idée de codification. La charnière entre réformation et codification s’opère toutefois dès le règne de Louis XIII : le chancelier Michel de Marillac prépare une grande ordonnance de réformation dont la portée est plus large que toutes celles qui l’ont précédée. Mais, elle est restée lettre morte, et les historiens l’évoquent moqueusement sous le nom de « Code Michaut ».
Á la mort du chancelier Mazarin, en 1661, le roi Louis XIV ouvre la période de l’absolutisme strictement entendu, en décidant de gouverner et de légiférer désormais sans l’aide d’un chancelier. Et c’est à partir de cette époque, que vont être rédigées les plus remarquables des ordonnances royales, qui outrepassant une simple volonté de réformation, se présentent incontestablement comme de véritables codifications de la matière juridique concernée.

Les quatre plus grandes ordonnances de codification promulguées sous Louis XIV sont

- l’ordonnance sur la procédure civile de 1667 ; 
- l’ordonnance sur la procédure criminelle de 1670 ; 
- l’ordonnance sur le commerce de 1673 ; 
- l’ordonnance sur la marine de 1681.

La méthode d’élaboration de ces ordonnances royales est précise et rigoureuse, suivant plusieurs étapes. En général, la rédaction d’un avant-projet est confiée à une commission de spécialistes ; cette commission remet son travail à un Conseil de justice (composé essentiellement de conseillers d’Etat) qui rédige le projet définitif. Enfin, ce projet est « discuté » avec les députés du Parlement de Paris (qui, entre la date de sa création au XIIIème siècle, et le milieu du Xvème, date de la création du Parlement de Toulouse, sera la seule cour souveraine de justice de tout le royaume). Mais, dans un premier temps, et surtout sous le règne de Louis XIV, l’intervention du parlement reste très limitée, tardive et mineure
Tout changera, à partir de Louis XV, qui aura à faire face aux prétentions politiques des parlements, opposés à la dérive absolutiste du pouvoir royal. 

Il convient toutefois de nuancer la portée codificatrice de ces ordonnances : même si l’entourage de Louis XIV, et en particulier Colbert, qui était contrôleur général des finances, et l’un des principaux ministres absolutistes, aspirait à la rédaction d’un grand code général rassemblant l’intégralité de la législation, le roi lui-même n’a jamais voulu / pu en arriver là : il s’est contenté de faire promulguer de grandes ordonnances codifiant l’ensemble de la procédure, mais uniquement la procédure. Il ne faut pas se tromper dans l’analyse : les ordonnances civile et criminelle, ne constituent nullement l’équivalent d’un code civil, ou d’un code pénal. Même au sommet de sa gloire, Louis XIV n’a jamais pu / voulu obtenir l’unification complète de toute la législation. Et, il n’y a pas mieux réussi avec les deux grandes ordonnances suivantes

Toutefois, on peut voir une évolution entre les deux ordonnances sur la procédure et celles sur le commerce et la marine : ces deux dernières vont encore plus loin dans la généralisation des aspects du droit abordés par les textes royaux : elles englobent directement le droit privé commercial et procèdent de la politique économique de la monarchie, qui elle aussi, comme toutes les autres grandes matières de droit public, se rattache, non moins directement, à la police du royaume et à l’administration de la justice. 

Mais, là encore, en apparence du moins, le monarque absolutiste continue de respecter le principe traditionnel selon lequel le roi ne peut pas directement légiférer sur les matières de pur droit privé : dans le préambule des ordonnances, il rappelle que la raison d’être de ces « codifications partielles » via une ordonnance, est de rendre certains et connaissables par tous, les usages du commerce et de la marine, afin de faciliter (et l’on y revient inexorablement comme une justification ultime et nécessaire) l’administration des procès en matière de litige commerciaux.

En définitive, la première véritable immixtion directe de la monarchie dans le droit privé, date de l’extrême fin de l’Ancien Régime, sous le règne du roi Louis XV : les ordonnances du chancelier D’Aguesseau interviennent dans le sens d’une unification du droit privé des personnes et des biens. Le chancelier d’Aguesseau a élaboré des ordonnances sur les questions patrimoniales, et plus particulièrement, sur les donations (transmission de patrimoine entre vifs) et les testaments (transmission de patrimoine à cause de mort). Et sur ces deux points précis, il eut à faire face à une très grande diversité coutumière, gênante pour parvenir à établir un texte unique. 

Il a procédé par étapes, en envoyant à chaque cour souveraine / parlement du royaume des séries de questionnaires visant à déterminer avec exactitude le contenu des coutumes à ce sujet.  Puis, il tenta, par l’intermédiaire de négociations avec les différentes députations régionales, d’arriver à un consensus sur le contenu de l’ordonnance : il fallait rallier les conceptions divergentes du testament et de la donation. Toutefois, tous étaient d’accord pour reconnaître l’utilité et peut-être la nécessité d’établir une forme unique de testament pour l’intégralité des sujets du royaume. 

Finalement, ce fut une « victoire à la Pyrrhus », aux allures de défaite : l’ordonnance fut promulguée et déclarée applicable dans toute la France, à ceci près qu’elle présentait deux formes alternatives de testament : l’une pour les pays du Nord, l’autre pour les pays de Sud, perpétuant en quelque sorte cette irréductible distinction entre « Pays de Coutumes » et « Pays de Droit Ecrit », héritée de l’histoire. 





§ 2 – L'existence pratique du droit français. 

Les parlements sont très importants du point de vue de la pratique judiciaire en elle-même : au fur et à mesure de l’augmentation des litiges dont ont eu à connaître les parlements, soit en première instance, soit en appel des décisions rendues par les tribunaux de première instance, les parlements ont peu à peu pris l’habitude de faire établir ou rédiger des recueils d’arrêts, afin de conserver la trace des décisions prises par le passé. L’existence de ces recueils d’arrêts, que l’on appelle « Olim », et auxquels se réfèrent constamment les parlementaires dans l’exercice de leur fonction judiciaire, marque, pour la période de l’Ancien Régime, la véritable naissance de la jurisprudence au sens moderne du terme : l’ensemble des décisions judiciaires rendues par les cours souveraines, sur lesuelles juges et défenseurs ont la possibilité de s’appuyer pour renforcer leur décision ou leur argumentation.
L'originalité des Parlements tient au fait qu'ils  sont à la fois une cour de justice et un organe politique. Les Parlements sont une juridiction souveraine de droit commun, et ont également des attributions extra-juridictionnelles.

Plus particulièrement, les Parlements bénéficient, en ce qui concerne les ordonnances royales d’un double droit d’enregistrement des ordonnances et de remontrances sur le contenu de ces ordonnances.

Le droit d'enregistrement s'exerce sur les lettres patentes, issues de la chancellerie et validées par le sceau royal (soit lettres sur requête, soit à l'initiative du roi) Les plus importantes sont les lettres ouvertes contenant édits, ordonnances et déclarations. Il ne peut s'exercer sur les lettres closes (dites lettres de cachet).

Dès le début du XIVeme siècle le roi prend l'habitude de faire lire en Parlement ses lettres patentes et pour les conserver, le Parlement prend l'habitude de les enregistrer, en les transcrivant sur des registres tenus par un greffier. Peu à peu, on en arrive à la solution juridique suivante : les lettres patentes ne sont exécutoires qu'APRES avoir été enregistrées

Le droit de remontrances, quant à lui, a été voulu par le roi à l'origine : le Parlement formule des remontrances AVANT d'enregistrer les lettres patentes. Cela devait permettre d'éviter qu'une lettre soit contraire aux intérêts de la couronne. Mais, le dernier mot devait revenir au Roi, seul souverain.

Le roi dispose de deux moyens pour contraindre le Parlement :

1 - les lettres de jussion : elles ordonnent au Parlement de procèder à l'enregistrement des lettres patentes, malgré ses remontrances. 
Si le Parlement refuse, il peut formuler alors des "itératives remontrances" (nouvelles). Le roi peut répondre par de nouvelles lettres de jussion. Si le Parlement résiste, le roi a recours à une autre procédure pour contraindre le Parlement.

2 - le lit de justice du roi : une place est toujours réservée pour le roi au sein du Parlement (une sorte de trône) en vertu du fait que le Parlement tira sa légitimité du roi lui-même (justice déléguée). Le roi vient alors y siéger en personne et ordonne lui-même en Parlement, au greffier, d'enregistrer la lettre patente en question. Il a donc le dernier mot.

Mais, avec le développement du pouvoir normatif de la monarchie, les Parlements acquièrent un rôle de plus en plus important d’enregistrement des ordonnances royales. Et, à partir de cet instant, ils disposent d’un moyen de manifester leur désaccord avec le Roi, par l’intermédiaire du droit de remontrances, ou même du refus d’enregistrement des ordonnances. A compter de ce moment, et jusqu’à la fin de l’ancien Régime, les parlements vont s’ériger en opposants à la dérive absolutiste du pouvoir royal, et la lutte entre le Roi et les Parlements est l’un des enjeux les plus importants de la monarchie au 17ième et au 18ième siècles. 


Fin du cours